Nature Morte  Guide Complet et Histoire de la Peinture

Nature Morte : Guide Complet et Histoire de la Peinture

Imaginez un monde où un simple arrangement de fruits, de fleurs ou d'objets quotidiens devient le théâtre d'une profonde méditation sur la vie, le temps et la beauté. Bienvenue dans l'univers de la nature morte, ce genre pictural qui, malgré son nom évoquant l'immobilité, vibre d'une intense vitalité artistique !

La nature morte a cette magie particulière de transformer le banal en extraordinaire. Une corbeille de pommes, un vase de tulipes, ou un crâne posé sur une table deviennent, sous le pinceau d'un maître, des réflexions profondes sur l'éphémère, le plaisir des sens et la fragilité de notre existence. C'est comme si l'artiste nous invitait à un festin visuel où chaque objet raconte sa propre histoire.


Qu'est-ce qu'une nature morte ?

Qu'est-ce qu'une nature morte ?

Définition et origines

La nature morte, ou "still life" en anglais (littéralement "vie immobile"), désigne un genre pictural représentant des objets inanimés - fruits, fleurs, nourriture, vaisselle, livres, instruments de musique ou autres objets du quotidien - arrangés dans un espace délimité, généralement sur une table ou une étagère.

Contrairement à ce que son nom pourrait suggérer, la nature morte est tout sauf "morte" - elle vibre de signification et de vie suspendue. C'est comme si le peintre avait appuyé sur le bouton "pause" de l'existence, nous invitant à contempler ce que nous ne prenons généralement pas le temps d'observer.

Les origines de la nature morte remontent à l'Antiquité, mais c'est véritablement à partir du XVIe siècle qu'elle s'affirme comme un genre à part entière, pour connaître son apogée au XVIIe siècle avec les maîtres flamands et hollandais. Au fil des siècles, elle évolue du symbolisme religieux à l'exploration formelle, devenant un terrain d'expérimentation privilégié pour de nombreux mouvements artistiques.

Les différents types de natures mortes

La nature morte se décline en plusieurs sous-genres, chacun porteur de thématiques et d'intentions particulières :

  • Les vanités : Ces compositions incluent typiquement des symboles de la fragilité de la vie et de la futilité des plaisirs terrestres - crânes, bougies consumées, sabliers, fleurs fanées. Elles nous rappellent, avec une certaine élégance mélancolique, que nous sommes tous mortels.
  • Les bouquets et compositions florales : Célébrant la beauté éphémère, ces œuvres sont souvent chargées de symbolisme - chaque fleur pouvant porter une signification particulière liée à l'amour, la piété ou les vertus.
  • Les natures mortes de cuisine et de table (pronkstilleven) : Elles mettent en scène des mets luxueux, des fruits exotiques et de la vaisselle précieuse, témoignant souvent de la prospérité économique d'une époque.
  • Les trompe-l'œil : Ces compositions cherchent à duper l'œil du spectateur, créant l'illusion parfaite d'objets réels. C'était le "filtre Instagram" de l'époque, mais en infiniment plus virtuose !
  • Les instruments de musique et objets d'art : Reflétant le goût pour les arts et l'érudition, ces natures mortes incluent souvent des instruments, des partitions, des livres ou des objets scientifiques.

 

Histoire de la Nature Morte

Histoire de la Nature Morte

Antiquité et Moyen Âge: les prémices

La nature morte n'est pas née d'un coup de pinceau magique au XVIIe siècle - elle a des racines bien plus anciennes. Dans l'Antiquité, les fresques romaines de Pompéi nous offrent déjà de saisissantes représentations de fruits, de nourriture et d'objets quotidiens. Ces "xenia" (cadeaux d'hospitalité) décoraient les maisons romaines, témoignant à la fois de la générosité de l'hôte et de son statut social.

Pendant le Moyen Âge, la nature morte n'existe pas en tant que genre indépendant, mais apparaît dans les enluminures des manuscrits religieux et dans certains détails de tableaux. Ces représentations sont chargées de symbolisme chrétien - une pomme évoquant le péché originel, une carafe d'eau symbolisant la pureté, ou des fleurs représentant les vertus mariales.

La Renaissance: un tournant majeur

La Renaissance marque un tournant décisif pour la nature morte. Avec l'intérêt renouvelé pour l'observation scientifique et le monde matériel, les artistes commencent à accorder plus d'attention aux détails des objets. La nature morte émerge d'abord comme élément secondaire dans des portraits ou des scènes religieuses, avant de s'émanciper progressivement.

Albrecht Dürer, avec ses études minutieuses de plantes et d'animaux, ouvre la voie. Son "Lièvre" (1502) ou sa "Grande touffe d'herbes" (1503) témoignent d'une observation méticuleuse de la nature qui influencera profondément le développement du genre.

Les écoles flamande et hollandaise

C'est dans les Pays-Bas que la nature morte prend véritablement son envol, atteignant des sommets de virtuosité technique et de profondeur symbolique. Dans la Flandre et la Hollande du XVIIe siècle, la prospérité économique, l'essor de la bourgeoisie marchande et le calvinisme créent un terrain fertile pour ce genre pictural.

Les collectionneurs bourgeois, désireux de décorer leurs intérieurs mais réticents face aux sujets religieux trop ostensibles, se tournent vers ces représentations d'objets luxueux qui affirment subtilement leur réussite sociale.

Des artistes comme Jan Davidsz de Heem, Willem Claesz Heda ou Pieter Claesz créent des "banketjes" (petits banquets) d'une précision stupéfiante, où la lumière joue sur le verre et l'argent avec un réalisme à couper le souffle.

Période Région Caractéristiques Artistes représentatifs
XVIIe siècle Pays-Bas Précision extrême, symbolisme religieux caché, luxe matériel Willem Kalf, Pieter Claesz, Willem Claesz Heda
XVIIe-XVIIIe siècles Espagne Austérité, géométrie, contraste lumineux Juan Sánchez Cotán, Francisco de Zurbarán
XVIIIe siècle France Intimité, objets quotidiens, sensibilité Jean-Baptiste Siméon Chardin, Anne Vallayer-Coster
XIXe-XXe siècles International Expérimentation formelle, abstraction progressive Paul Cézanne, Vincent van Gogh, Pablo Picasso

 

L'école italienne

L'Italie développe sa propre tradition de nature morte, influencée mais distincte de l'approche nordique. Le Caravage, avec sa "Corbeille de fruits" (1599), crée une œuvre révolutionnaire qui élève la nature morte au rang de sujet digne de considération.

Michelangelo Merisi da Caravaggio - c'est son nom complet - nous présente une simple corbeille de fruits, mais avec un tel réalisme qu'on pourrait presque tendre la main pour saisir une pêche ou un raisin. Certains fruits montrent même des imperfections - feuilles séchées, taches de moisissure - ajoutant une dimension mélancolique à cette célébration de l'abondance.

À Rome, des artistes comme Mario Nuzzi se spécialisent dans les compositions florales luxuriantes, tandis qu'à Naples, une école de nature morte plus dramatique se développe autour de figures comme Giuseppe Recco.

L'école française

En France, la nature morte suit une trajectoire différente, souvent plus formelle et décorative. Jean-Baptiste Chardin émerge au XVIIIe siècle comme le grand maître français du genre, apportant une sensibilité particulière et une approche moins ostentatoire que ses homologues hollandais.

Chardin transforme les objets les plus humbles - un simple gobelet, une miche de pain, quelques fruits - en compositions d'une dignité tranquille et d'une humanité profonde. Ses natures mortes respirent une intimité et une chaleur qui les distinguent des œuvres plus opulentes de ses contemporains.

Le Siècle d'or et le Baroque

Le XVIIe siècle, souvent appelé le "Siècle d'or" pour la peinture hollandaise, représente l'apogée de la nature morte baroque. Ces œuvres se caractérisent par leur opulence, leur virtuosité technique et leur richesse symbolique.

Willem Kalf crée des pronkstilleven (natures mortes d'apparat) éblouissantes, mettant en scène des objets exotiques et luxueux - coupes en nacre, tapis ottomans, porcelaines chinoises - témoignant de l'expansion commerciale des Pays-Bas.

La nature morte baroque joue constamment sur la tension entre la célébration des plaisirs terrestres et le rappel de leur caractère éphémère. C'est un art du paradoxe, qui nous invite à savourer la beauté tout en méditant sur sa fragilité.

Le 18ème siècle: évolution des styles

Au XVIIIe siècle, la nature morte devient plus légère, plus décorative, s'accordant avec l'esthétique rococo qui privilégie l'élégance et la grâce. En France, Anne Vallayer-Coster et Jean-Siméon Chardin continuent à faire évoluer le genre.

Vallayer-Coster, l'une des rares femmes peintres reconnues à cette époque, développe une maîtrise exceptionnelle dans la représentation des textures - le velouté d'une pêche, la transparence du verre, le brillant du métal. Ses compositions, d'une élégance sans ostentation, lui valent l'admiration de ses contemporains et la protection de Marie-Antoinette.

Le 19ème et 20ème siècles: modernité et abstraction

Le XIXe siècle voit la nature morte se transformer radicalement avec l'avènement de la modernité. Des artistes comme Édouard Manet, avec sa "Botte d'asperges" (1880), commencent à s'intéresser davantage à la peinture elle-même qu'à l'illusionnisme parfait.

C'est cependant avec Paul Cézanne que la nature morte connaît sa plus profonde révolution. Ses compositions de pommes, d'oranges et de vaisselle simple, construites par plans colorés et perspectives multiples, ouvrent la voie à l'art moderne. Comme il le disait lui-même : "Avec une pomme, je veux étonner Paris."

Au XXe siècle, la nature morte devient un terrain d'expérimentation pour de nombreux mouvements :

  • Les cubistes (Picasso, Braque) déconstruisent les objets, les présentant sous plusieurs angles simultanément
  • Les futuristes introduisent le mouvement et la vitesse dans un genre traditionnellement statique
  • Les surréalistes (Dalí, Magritte) transforment les objets quotidiens en visions oniriques
  • Les pop artists (Warhol, Lichtenstein) s'emparent des produits de consommation comme nouveaux sujets

Même aujourd'hui, à l'ère numérique, des artistes contemporains continuent de réinventer la nature morte, prouvant la vitalité persistante de ce genre apparemment simple mais infiniment riche.

 

Les Maîtres de la Nature Morte

Les Maîtres de la Nature Morte

Caravaggio

Le Caravage (Michelangelo Merisi da Caravaggio, 1571-1610) n'a peint que quelques natures mortes autonomes, mais son influence sur le genre est immense. Sa "Corbeille de fruits" (1599) représente un tournant révolutionnaire.

Ce qui frappe dans cette œuvre, c'est son naturalisme sans concession et sa lumière dramatique caractéristique. Le Caravage ne cherche pas à idéaliser ses fruits - certains sont abîmés, les feuilles commencent à se dessécher. Cette acceptation de l'imperfection et du déclin annonce déjà les vanités qui fleuriront au siècle suivant.

Le Caravage élève la nature morte au statut d'art majeur, démontrant qu'un sujet apparemment humble peut porter une charge émotionnelle et philosophique aussi puissante qu'une scène religieuse ou mythologique.

"La nature morte du Caravage n'est pas une simple représentation d'objets, mais une méditation profonde sur la beauté, la corruption et la mortalité."

— Roberto Longhi, historien de l'art italien

Chardin

Jean-Baptiste Siméon Chardin (1699-1779) apporte à la nature morte française une sensibilité unique, mêlant simplicité, dignité et intimité. Contrairement aux natures mortes flamandes qui célèbrent souvent le luxe et l'abondance, Chardin s'intéresse aux objets quotidiens les plus humbles.

Dans "La Raie" (1728), il transforme un poisson écorché - sujet a priori repoussant - en une méditation picturale sur la texture, la couleur et la lumière. "Le Gobelet d'argent" (1728) élève un simple arrangement de fruits et d'ustensiles à une composition d'une harmonie parfaite.

Ce qui distingue Chardin, c'est sa capacité à infuser une âme dans les objets inanimés. Comme l'écrivit Denis Diderot : "C'est la nature même ; les objets sont hors de la toile et d'une vérité à tromper les yeux."

Cézanne

Paul Cézanne (1839-1906) révolutionne la nature morte et jette les bases de l'art moderne. Avec plus de 200 natures mortes à son actif, il fait de ce genre un laboratoire d'exploration formelle.

Ses natures mortes de pommes sont parmi les plus célèbres de l'histoire de l'art. Observez "Pommes et oranges" (1899) : les fruits semblent à la fois solides et en mouvement, la perspective est légèrement décalée, la table paraît inclinée. Cézanne ne cherche pas à reproduire fidèlement ce qu'il voit, mais à traduire sa perception de l'espace et des volumes.

Comme il l'expliquait : "Il ne s'agit pas de peindre la vie, il s'agit de rendre vivante la peinture." Cette approche ouvre directement la voie au cubisme et à l'abstraction qui suivront.

"Avec une pomme, je veux étonner Paris."

— Paul Cézanne

Monet et les impressionnistes

Claude Monet (1840-1926) est davantage connu pour ses paysages que pour ses natures mortes, mais ses incursions dans ce genre révèlent une sensibilité lumineuse unique. Dans "Pommes et raisins" (1880), les fruits semblent vibrer sous l'effet de la lumière, les contours se dissolvent légèrement, et la touche vibrante caractéristique de l'impressionnisme transforme un sujet traditionnel en étude de couleur et de lumière.

D'autres impressionnistes comme Renoir, Manet et Berthe Morisot ont également exploré la nature morte, apportant chacun leur vision personnelle. Manet, avec "La botte d'asperges" (1880), propose une composition radicalement moderne, presque abstraite dans sa simplicité.

Autres peintres influents

De nombreux autres maîtres ont marqué l'histoire de la nature morte :

  • Vincent van Gogh : Ses "Tournesols" et ses natures mortes expressives insufflent une émotion viscérale dans le genre
  • Henri Matisse : Ses compositions aux couleurs vibrantes redéfinissent la nature morte au XXe siècle
  • Giorgio Morandi : Ses arrangements minimalistes de bouteilles et de vases explorent les subtilités infinies de la lumière et de la forme
  • Pablo Picasso : Il déconstruit et réinvente la nature morte à travers le prisme du cubisme
  • Juan Sánchez Cotán : Ses austères et géométriques natures mortes espagnoles du XVIIe siècle semblent étrangement modernes
  • Willem Claesz Heda : Maître hollandais des "banketjes" monochrome d'une précision hallucinante
  • Rachel Ruysch : Ses compositions florales baroques d'une extraordinaire virtuosité continuent d'émerveiller

 

Techniques et Composition

La nature morte a été explorée à travers de nombreuses techniques picturales

Les techniques de peinture utilisées

La nature morte a été explorée à travers de nombreuses techniques picturales, chacune apportant ses qualités particulières :

  • La peinture à l'huile : Technique privilégiée pour la nature morte depuis la Renaissance, elle permet un rendu exceptionnel des textures et des effets de lumière. Sa lente période de séchage offre la possibilité de travailler les détails avec une grande finesse.
  • L'aquarelle : Plus légère et transparente, elle apporte fraîcheur et spontanéité, particulièrement adaptée pour les compositions florales et les fruits.
  • La tempera : Utilisée avant l'huile, cette technique à base d'œuf donne des couleurs éclatantes et mat, avec un temps de séchage rapide.
  • Le pastel : Offrant une douceur veloutée particulière, il a été utilisé par des artistes comme Chardin pour créer des natures mortes d'une luminosité particulière.
  • L'acrylique : Plus récente, cette technique a permis aux artistes modernes d'explorer de nouvelles approches grâce à son séchage rapide et sa polyvalence.

Les éléments clés de la composition

La composition d'une nature morte n'est jamais laissée au hasard. Les maîtres du genre orchestrent soigneusement chaque élément pour créer équilibre, tension et harmonie :

  1. L'arrangement des objets : La disposition crée des lignes directrices qui guident le regard du spectateur. Les compositions pyramidales sont fréquentes, créant stabilité et dynamisme.
  2. Le choix des objets : Chaque élément est sélectionné pour sa signification symbolique, sa texture, sa couleur ou sa forme.
  3. L'équilibre des masses : Le poids visuel des différents éléments est soigneusement réparti pour créer un ensemble harmonieux.
  4. La palette chromatique : Les couleurs peuvent être contrastées pour créer du dynamisme, ou au contraire jouer sur des variations subtiles d'une même teinte (comme dans les monochrome banketjes hollandais).
  5. Les textures : La juxtaposition de surfaces différentes (le lisse d'un verre, le rugueux d'un citron, le velouté d'une pêche) enrichit l'expérience visuelle.

L'importance de la lumière et de l'ombre

La lumière est peut-être l'élément le plus crucial de la nature morte. Elle révèle les formes, crée le volume, définit l'atmosphère et insuffle vie à des objets inanimés :

  • Le clair-obscur : Cette technique dramatique, perfectionnée par des artistes comme Caravage, fait émerger les objets de l'ombre, créant profondeur et mystère.
  • La lumière diffuse : Préférée par des peintres comme Chardin, elle caresse doucement les objets, révélant subtilement leurs qualités.
  • Les reflets et transparences : La représentation virtuose de la lumière traversant un verre ou se reflétant sur du métal était une prouesse technique particulièrement valorisée.
  • La direction de la lumière : Généralement latérale, elle sculpte les volumes et crée des ombres qui ancrent les objets dans l'espace.

Les maîtres hollandais du XVIIe siècle étaient particulièrement adroits dans la représentation des effets de lumière, créant des illusions si parfaites qu'elles semblent défier les limites de la peinture elle-même.

 

L'interprétation des Natures Mortes

L'interprétation des Natures Mortes

Les symboles et leur signification

La nature morte est souvent un véritable langage codé, où chaque objet porte une signification qui aurait été immédiatement comprise par les spectateurs de l'époque. Ce symbolisme enrichit notre lecture des œuvres, transformant une simple collection d'objets en méditation profonde :

  • Le crâne : Memento mori par excellence, il rappelle l'inévitabilité de la mort
  • Les fleurs : Symboles de beauté éphémère, chaque fleur ayant sa propre signification (le lys pour la pureté, la rose pour l'amour, etc.)
  • Les fruits : Souvent associés à l'abondance, certains portent des significations spécifiques (la pomme évoque le péché originel, la grenade la fertilité)
  • La montre ou le sablier : Évoquent le passage du temps
  • La bougie consumée : Symbole de la vie qui s'éteint
  • Les livres : Représentent le savoir et parfois la vanité intellectuelle
  • Les instruments de musique : Évoquent les plaisirs éphémères et l'harmonie
  • Les miroirs : Symboles de vanité mais aussi de réflexion spirituelle

Dans les vanités en particulier, ces symboles créent un dialogue silencieux sur la fragilité de l'existence et l'illusoire permanence des biens terrestres.

"Les vanités nous rappellent que la vie est brève et que tous les plaisirs sont éphémères. Mais elles le font à travers des œuvres d'une telle beauté qu'elles deviennent elles-mêmes une célébration paradoxale de ce qu'elles dénoncent."

— Alain Tapié, historien de l'art

L'aspect esthétique et émotionnel

Au-delà de leur dimension symbolique, les natures mortes nous touchent par leur beauté intrinsèque et l'émotion qu'elles suscitent :

  • La contemplation : La nature morte nous invite à ralentir, à observer attentivement ce que nous verrions normalement sans le remarquer
  • La sensualité : La représentation des textures, des couleurs et des formes peut éveiller une réponse sensorielle presque physique
  • La nostalgie : Ces objets figés dans le temps évoquent souvent un sentiment de mélancolie douce
  • L'émerveillement : La virtuosité technique des grands maîtres du genre suscite l'admiration

Comme l'écrivait Marcel Proust : "Le but de l'artiste n'est pas de résoudre une énigme mais de nous faire aimer la question qu'il pose." La nature morte nous pose des questions sur la beauté, le temps, la matérialité de notre existence.

La nature morte comme reflet de la société

Les natures mortes sont aussi des documents historiques qui reflètent les sociétés qui les ont produites :

  • Contexte économique : Les luxueuses natures mortes hollandaises témoignent de l'âge d'or commercial des Pays-Bas
  • Pratiques alimentaires : Les natures mortes nous renseignent sur les aliments consommés à différentes époques
  • Relations commerciales : La présence d'agrumes ou de porcelaines chinoises dans les tableaux européens révèle des connexions commerciales internationales
  • Valeurs sociales : L'ostentation ou au contraire la sobriété des arrangements reflètent des valeurs culturelles
  • Innovations technologiques : L'apparition de nouveaux objets (livres imprimés, instruments scientifiques) témoigne de l'évolution des sociétés

Au XXe siècle, des artistes comme Andy Warhol, avec ses boîtes de soupe Campbell, utilisent la nature morte pour commenter la société de consommation moderne, montrant la persistante pertinence sociale du genre.

 

Ressources et Informations Complémentaires

Bibliographie et musées en ligne

Pour approfondir votre exploration de la nature morte, voici quelques ressources essentielles :

Livres de référence :

  • "La Nature Morte" par Charles Sterling (Éditions Macula)
  • "L'Art de la Nature Morte" par Norbert Schneider (Taschen)
  • "Chardin" par Pierre Rosenberg (RMN)
  • "Cézanne : Les Natures Mortes" par Philippe Cros (Hazan)

Collections virtuelles :

  • Le Rijksmuseum Amsterdam : Incomparable collection de natures mortes hollandaises
  • Le Louvre : Pour découvrir notamment Chardin et les maîtres français
  • Le Metropolitan Museum : Panorama international du genre
  • Le Musée d'Orsay : Pour les natures mortes du XIXe et début XXe siècle

Expositions et événements

Pour voir des natures mortes "en vrai" (rien ne remplace l'expérience directe !), voici quelques expositions actuelles ou permanentes à ne pas manquer :

  • "La Nature Morte au fil des siècles" au Musée des Beaux-Arts de Lyon (collection permanente)
  • "Les Vanités dans l'art contemporain" au Centre Pompidou (exposition thématique)
  • "Fleurs et Natures Mortes" au Petit Palais (Paris)
  • "De Caravage à Cézanne" au Musée d'Art de Philadelphie (exposition itinérante)

Consultez régulièrement les sites des grands musées pour les expositions temporaires consacrées à ce genre fascinant.

Vidéos et documentaires

Pour une approche plus visuelle et dynamique :

  • "Le Symbolisme dans la Nature Morte" : Vidéo éducative de la Khan Academy
  • "Les Secrets des Vanités" sur Arte, documentaire explorant la dimension philosophique du genre
  • "Techniques des Maîtres Hollandais" : Démonstrations pratiques des méthodes utilisées au XVIIe siècle
  • "Cézanne et la Modernité" : Analyse de la révolution apportée par l'artiste dans le domaine de la nature morte

 

La Nature Morte, un Art Bien Vivant

La Nature Morte, un Art Bien Vivant

Loin d'être un genre poussiéreux figé dans le passé, la nature morte continue de fasciner artistes et spectateurs à travers les âges. Elle nous invite à ralentir, à observer, à contempler la beauté qui réside dans les objets les plus simples de notre quotidien.

Dans notre monde hyperconnecté où l'attention est sans cesse sollicitée, la nature morte nous offre un espace de calme et de réflexion. Elle nous rappelle la valeur de l'observation attentive et le miracle de la lumière jouant sur une surface.

Que vous soyez novice curieux ou connaisseur passionné, je vous invite à regarder différemment les objets qui vous entourent. Peut-être verrez-vous votre tasse de café matinale, votre corbeille de fruits ou vos fleurs dans un vase avec un œil neuf, en songeant aux générations d'artistes qui ont trouvé dans ces sujets simples une source inépuisable d'inspiration et de beauté.

Et pourquoi ne pas visiter un musée pour découvrir ces chefs-d'œuvre du genre ? Ou même vous essayer vous-même à la composition d'une nature morte, que ce soit en peinture, en photographie ou simplement dans l'arrangement conscient des objets de votre intérieur ?

L'art de la nature morte nous enseigne que la beauté et la profondeur peuvent se trouver dans les choses les plus ordinaires - il suffit de savoir regarder.

Sources et références

  1. Sterling, Charles. "La Nature Morte de l'Antiquité à nos jours". Pierre Tisné, 1959.
  2. Schneider, Norbert. "Les Natures Mortes : Réalité et symbolique des choses". Taschen, 2003.
  3. Bryson, Norman. "Looking at the Overlooked: Four Essays on Still Life Painting". Harvard University Press, 1990.
  4. Rowell, Margit. "Objects of Desire: The Modern Still Life". Museum of Modern Art, 1997.
  5. Ebert-Schifferer, Sybille. "Still Life: A History". Harry N. Abrams, 1999.
  6. Rosenberg, Pierre. "Chardin: The Painter's Touch". Cleveland Museum of Art, 2000.
  7. Damisch, Hubert. "Le Jugement de Pâris : Iconologie analytique". Flammarion, 1992.
  8. Alpers, Svetlana. "The Art of Describing: Dutch Art in the Seventeenth Century". University of Chicago Press, 1983.
  9. Berger, John. "Ways of Seeing". Penguin Books, 1972.
  10. Chastel, André. "Le Geste dans l'Art". Liana Levi, 2001.
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